Réforme des Retraites 2023 : Pour ou Contre ?

1 avr. 2023

Voici une base tangible pour se faire une opinion sur la Réforme des retraites 2023.

Réforme des Retraites 2023 : Pour ou Contre ?
Lorsque l’on propose de réformer un système existant c’est qu’il n’est a priori pas à l’équilibre ou ne le sera plus prochainement.

Et ce point n’a toujours pas été tranché car les différents acteurs (Gouvernement, syndicats, partis politiques, médias, etc.) ne sont pas d’accord sur le constat. Et les Français n’ont finalement aucune base tangible pour se faire une opinion.

Alors nous vous proposons justement d’éclairer votre position via deux points factuels et incontestables.

 

Rappel : Comment fonctionnent les régimes de retraite des salariés ?


On acquiert des droits de retraite par répartition auprès de deux organismes :
 
  1. La Caisse National d’Assurance Vieillesse (CNAV) : établissement public sous la tutelle de l’état.
  2. Les caisses AGIRC/ARRCO : gestion par les partenaires sociaux d’un régime complémentaire de retraite par points. Elles ont été créées respectivement en 1947 et 1961 en complément de la CNAV. Elles représentent 33% de la retraite totale d’un salarié non-cadre et 53 % de la retraite totale d’un cadre.
 

Le grand tournant de 1983


Jusqu’à cette date l’âge légal de départ en retraite était fixé à 65 ans. Il passe à 60 ans avec une durée de cotisation restant identique de 37,5 années.

La CNAV étant sous tutelle de l’État a bien entendu entériné cette décision. Je ne rentrerai pas dans cet exposé dans le détail des mesures prises pour équilibrer les comptes de cette « sécu vieillesse » : déficit chronique et augmentation des cotisations.

Ce qui est intéressant est la position des caisses AGIRC/ARRCO qui ont immédiatement prévenu qu’elles seraient en incapacité financière de verser une rente dès le soixantième anniversaire.

Face à ce problème soulevé par les caisses AGIRC/ARRCO, le Gouvernement Mauroy a décidé de créer dès 1983 l’Association pour la Structure Financière dite ASF alimentée par une cotisation de 2% calculée sur les salaires.

Elle était prise sur les 7% de cotisation de l’UNEDIC, organisme d’assurance chômage à gestion paritaire également qui était en excédent à cette date. Autrement dit sur les 7% perçues sur les salaires par l’UNEDIC il y avait 2% reversées à l’ASF.

Tout ceci avec une clause de revoyure au terme de 10 années.

En 1993 la situation économique ayant changé, l’UNEDIC a eu besoin de la totalité de ses cotisations pour financer son propre fonctionnement et a donc stoppé sa contribution de 2% auprès de l’ASF.

Le Gouvernement Balladur alors en place n’avait donc d’autre choix que de créer une cotisation sur les salaires à hauteur d’un peu plus de 2% pour alimenter l’ASF en remplacement de cette contribution venant de l’UNEDIC. Il pouvait également remettre la retraite à 65 ans…

On peut donc en conclure que dès sa mise en place le financement de l’abaissement de l’âge de départ en retraite n’était pas assuré. Ou du moins l’était mais de manière empirique par un jeu de passe-passe de cotisations, sans aucune pérennité, comme la suite des évènements l’a démontré en 1993.

Il est à noter que cette cotisation existe toujours. Elle a simplement changé de nom en 2003 pour s’intituler AGFF puis en 2017 pour devenir Contribution d’Équilibre Général (CEG) au taux de 2,15% du salaire jusqu’ à un revenu égal au plafond de sécurité sociale (43 992 euros) et 2,80% au-delà de ce plafond.

 

Le taux d’appel comme variable d’ajustement par les partenaires sociaux en charge de la gestion des caisses AGIRC/ARRCO


Je cite en préambule le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) dans sa séance plénière du 28/01/09 pour comprendre la définition d’un taux d’appel :

« Les cotisations sur la base desquelles sont calculées les points de retraite sont déterminées par l’application d’un taux de cotisation contractuel à l’assiette de cotisation. Pour équilibrer les comptes il existe un taux d’appel qui génère un surplus de cotisation sans augmenter les droits à la retraite des salariés »

Ce taux d’appel a été utilisé dès 1952 mais de manière un peu surprenante me semble-t-il. Je cite à nouveau le COR car il est intéressant de tenter de comprendre la philosophie qui prévalait dans le pilotage de ces régimes par les partenaires sociaux :

« Le taux d’appel a été instauré dès 1952 à l’AGIRC. Il s’agissait à l’origine de ne pas collecter plus de cotisations que ne le requérait le service des pensions dans un régime jeune, qui n’avait pas vocation à constituer des réserves. Outre que celles -ci auraient pu susciter la convoitise des pouvoirs publics, il est apparu aux partenaires sociaux qu’il valait mieux laisser cet argent dans les entreprises et les salaires plutôt que de le capitaliser dans des conditions de marché aléatoires. Le taux d’appel est resté inférieur à 100% de 1952 (78%) à 1965 (95%). Il est resté à 100% jusqu’en 1978 pour augmenter de manière régulière jusqu’à 127% aujourd’hui »

Donc en 2023 une cotisation de 1 270 euros versée auprès des caisses AGIRC/ARRCO génère des points calculés sur la base de 1 000 euros et inversement en 1952 une cotisation de 780 francs générait des points calculés sur 1 000 francs.

Compte tenu de ces deux éléments décrits ci-dessus peut-on dire que les régimes de retraite sont à l’équilibre ? (En excluant pour rappel toujours de cet exposé la CNAV.)

Avant de répondre je vous communique quelques exemples chiffrés permettant d’appréhender le coût des cotisations supplémentaires d’équilibre des régimes AGIRC/ARRCO décrites auparavant :

Cotisations sur les salaires CEG + taux d’appel appliqué par les caisses AGIRC/ARRCO
 

Pour un salaire de 43 992 euros annuel (correspondant au plafond de sécurité sociale)

Coût de la CEG : 945 euros

Coût du taux d’appel appliqué au taux de cotisation contractuel AGIRC/ARRCO : 736 euros

Soit un total de 1 681 euros représentant 3,8 % du salaire de 43 992 euros retenu dans l’exemple.
 

Pour un salaire de 75 000 euros

Coût de la CEG : 1 782 euros

Coût du taux d’appel appliqué aux taux de cotisation contractuel AGIRC/ARRCO : 2 159 euros

Soit un total de de 3 941 euros représentant 5,25% du salaire de 75 000 euros retenu dans l’exemple.

Pour revenir à la question posée, nous pensons qu’il y a deux réponses :

Une réponse considérant qu’ils sont à l’équilibre et peu importe le coût.
 
  • Coût pour l’entreprise qui peut avoir un problème de compétitivité,
  • Coût Pour le salarié car une partie des cotisations est à sa charge et diminue le salaire net perçu.

Une réponse considérant qu’un système doit être vertueux en tant que tel, et autonome, donc sans faire appel à un financement externe ce qui est bien finalement le cas aujourd’hui.

Si l’on retient cette deuxième position la seule solution consiste à augmenter l’âge de départ en retraite comme le fait ce gouvernement pour anticiper les déficits à venir. Car le rapport du COR est très explicite en dépit de ce que l’on a pu entendre ici ou là.

Rapport annuel du COR de septembre 2022 page 5 : « de 2022 à 2032 la situation financière du système de retraite se détérioraient avec un déficit allant de 0,5 point du PIB à 0,8 point du PIB » un peu plus loin toujours en page 5 : « sur les 25 prochaines années le système de retraite serait en moyenne déficitaire, quel que soit la convention et le scénario retenus. »

La réforme qui vient d’être votée ne permettra pas aux régimes actuels de fonctionner sans l’aide des « béquilles » décrites ci-dessus qui sont conservées en l’état.

Elle permettra simplement de ne pas faire appel à de nouvelles sources de financement extérieures (nouvel impôt, augmentation des taux d’appel AGIRC/ARRCO et de la CEG, etc.) qui seraient inéluctables pour équilibrer les comptes.

 

Voici les principales mesures prévues par la réforme adoptée au parlement le 20 mars 2023 :

 

Âge légal de départ à la retraite porté à 64 ans :

La mesure phare que l’opinion publique a retenu est le décalage de l’âge de départ en retraite à 64 ans.

À compter du 01/09/23 cet âge de départ, qui est actuellement de 62 ans, sera relevé graduellement à raison de 3 mois par an pour les assurés sociaux nés à compter du 01/09/61.

Par exemple un salarié né en 1964 partira à 63 ans. Un salarié né en 1966 partira à 63 ans et six mois. Les salariés nés après 1968 partirons à 64 ans.

Il est à noter que l’âge de départ en retraite à taux plein, donc sans décote, pour ceux qui n’auraient pas cotiser 43 années reste fixé à 67 ans.
 

Durée de corisation portée à 43 ans :

La deuxième mesure importante, mais moins commentée, est la durée de cotisation qui passe à 43 ans au lieu de 42 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Cela correspond à une accélération de la réforme dite « Touraine » qui prévoyait cet allongement seulement en 2035.

Le dispositif appelé « carrière longue » reste en vigueur. Il est adapté de la manière suivante :

Les salariés ayant commencé à travailler avant 16 ans partiront à 58 ans. Ceux ayant débuté entre 16 et 18 ans partiront à 60 ans et ceux qui ont commencé entre 18 et 20 ans partiront à partir de 62 ans.

De plus un amendement a introduit une possibilité pour ceux ayant débuté entre 20 et 22 ans de partir à 63 ans.
 

Ce qui change pour les femmes :

L’âge de départ en retraite repoussé à 64 ans ne connaît pas de genre… On ne peut pas dire à proprement parler qu’elles sont défavorisées. Les 8 trimestres dont elles bénéficient par enfant restent acquis. Elles bénéficient également d’une surcote de 5% à 64 ans dès lors qu’elles auront une carrière complète à 63 ans.
 

Mesures concernant les seniors :

Le Compte Professionnel de Prévention (C2P) permettra de mieux prendre en compte des facteurs de risque comme le travail de nuit, la polyexposition, les charges lourdes, les postures pénibles, etc.

Pour augmenter le taux d’emploi des seniors plusieurs mesures sont envisagées :
 
  • Expérimentation d’un CDI senior.
  • Obligation de négocier sur l’emploi des seniors si les indicateurs se détériorent dans les entreprises sur 3 années.
  • Passage à 30 % de la contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle.
 

Petites pensions :

La retraite minimale est fixée à 1200 euros par mois correspondant à une carrière complète cotisée au SMIC.
 

Retraite des fonctionnaires :

Les mesures prises pour les salariés concernent l’âge de départ en retraite et le nombre d’années cotisées s’appliquent également aux fonctionnaires.

En revanche le montant du calcul de la retraite se fait toujours sur le traitement des 6 derniers mois.

Pour mémoire concernant les salariés le calcul se décompose comme suit :
 
  • Pour la sécurité sociale vieillesse : sur les 25 meilleures années de salaire limitées au plafond de sécurité sociale (43 992 euros).
  • Pour le régime Agirc / Arrco : en fonction du nombre de points acquis.

Il y a toujours 20 % d’agents actifs ou super actifs (infirmiers, policiers, pompiers, etc…) qui auront une ouverture de droits de retraite anticipée mais cependant repoussée de 2 années : de 52 à 54 ans et de 57 à 59 ans suivant les activités.
 

La disparition des régimes spéciaux :

À partir du 01/09/23 les nouveaux embauchés le seront au titre du régime général, les salariés actuels restant affiliés aux régimes spéciaux au titre de la clause dite du grand père.


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